23. 11. 1930
Il est né à Funchal (Madère ). Il a fréquenté la Faculté des Lettres de Lisbonne. Il a collaboré à plusieurs revues de poésie. Traducteur, poète et romancier. Il est indiscutablement un des plus grands poètes portugais avec une maîtrise impressionnante de la langue.
Les barques crient sur les eaux.
Je respire les quilles.
Je traverse l'amour, en respirant.
Comme si la pensée se déchirait des étoiles
brutes. Je pose le visage sur les barques douces.
Barques massives qui gémissent
contre les pointes de l'eau.
Je m'accoste à la dureté générale.
À la souffrance, à l'idée générale des barques.
Je pose le visage pour traverser l'amour.
Je fais tout comme celui qui voudrait chanter,
placé sur les mots.
Respirant les coques des mots.
Leur battement étalé.
Avec la tête en l'air dans les gouttes, dans les étoiles.
Placé sur le grincement douloureux des rames,
Des gouvernails des mots.

C'est le fleuve bien nommé tage
l'amour à l'intérieur.
Je vois les ponts qui s'écoulent.
J'entend les cornes de brume.
Les cordes tendues des poissons qui violinent l'eau.
C'est dans les barques que l'on traverse le monde.
Les barques battent, crient.
Ma vie traverse la cécité,
arrive n'importe où.
Haute barque, nuit démente, amour au milieu.
Amour absolument au milieu.
Je respire les quilles. Elle est forte
l'odeur du fleuve tage.

Comme si les barques traversaient des champs,
le ruminement des fleurs aveugles.
Si le tage était des orties.
Des vaches endormies.
Mares folles.
Comme si le tage était l'air.
Comme si le tage était l'intérieur de la terre.
L'intérieur de l'existence d'un homme.
Tage chaud. Tage très froid.
Avec le visage posé sur l'eau jaune des fleurs.
Aux rochers le matin.
Respirant. En traversant l'amour.
Avec le visage dans la souffrance.
Avec la volonté de chanter dans l'ordre de la nuit.

Si je perdais la main, le pied.
L'attention dans l'eau.
Je pense: le monde est humide. Je ne sais pas
ce que je veux dire.
Traverser l'amour du tage est la même chose
que de ne rien savoir.
C'est être pur, exister au sommet.
Traverser tout dans la nuit déchue.
Dans le mot déchu traverser la structure de l'eau,
de la chair.
Comme pour chanter sur les barques.
Mourir, revivre sur les barques.

Les ponts ne sont pas le fleuve.
Les maisons existent sur les rives caillées.
Je pense désormais à la solitude de l'amour.
Je pense que c'est l'air, les voix presque inexistantes dans l'air,
ce qui accompagne l'amour.
Accompagne l'amour quelque poisson subtil.

Poemacto
© Instituto Camões, 2001